C’est au détour d’une conversation de fin de soirée que l’idée germe, nous allons parcourir le Haut-Atlas marocain à pied, effectuer la mythique Grande Traversée. Le projet est lancé, il prend forme, murit, s’étoffe, jusqu’à devenir enfin réalité. D’Agouti à Imlil, découvrez le récit d’un trek de 11 jours (330 km, 13 000 D+) à travers la chaine montagneuse de l’Atlas.
Avec la volonté de vivre l’aventure de la façon la plus authentique qu’il soit, il nous semblait indispensable d’y associer la population locale tout en évitant au maximum de passer par des tour-opérateurs et autres intermédiaires. Nous serons donc accompagnés d’un guide de montagne marocain expérimenté ainsi que de 2 muletiers qui géreront l’intendance et la nourriture. Grâce à eux, nous voyagerons de façon plus légère au quotidien sur des étapes allant parfois jusqu’à 45 km.
Le moment tant attendu est enfin arrivé, l’excitation monte et se mêle à l’appréhension. Nous réalisons enfin l’étendue de ce qui nous attend. Plus question de reculer. Nous volons vers Marrakech ou nous attend notre guide. Dès notre arrivée, nous prenons la direction d’Agouti (1800 mètres) qui sera le point de départ de notre trek. Nous touchons au but après un peu plus de 5 heures de voiture.
Nous rejoignons les muletiers aux alentours de 17h30. Pas question de tergiverser, juste le temps de se changer, de charger nos affaires, et nous nous mettons en route pour une courte étape d’échauffement. La nuit tombe vite ici et nous devons encore installer le bivouac à notre arrivée. Nous mettrons moins de 2h à arriver à Azibs n’Ikiss (2350 mètres). Sur cette étape, pas de raccourci possible pour nos muletiers que nous attendrons un peu plus d’une heure.
Nous sommes déjà émerveillés par la splendeur des paysages. L’Atlas aura réussi à nous séduire dès les premiers kilomètres. L’aventure s’annonce inoubliable.Premier bivouac, premier repas local préparé par Ali et Ibrahim, et première nuit sous la tente. Demain le réveil sonne à 5h, la journée risque d’être longue !
Après une courte étape le jour de notre arrivée, l’aventure commence vraiment maintenant. Au programme du jour, l’ascension du mont M’Goun à plus de 4000 mètres. En guise d’acclimatation, nous n’avons bénéficié que d’une petite nuit sous la tente à 2400 mètres.
Cap sur le M’Goun
Comme prévu la veille, nous prenons le départ très tôt ce matin là sous un magnifique ciel étoilé. En guise de petit déjeuner, nous avalons 800 mètres de dénivelé positif à la frontale. Nous arrivons au premier col de la journée à 3200 mètres pour le lever du soleil. Le spectacle est grandiose, cette première matinée commence bien.
En face de nous, l’objectif du jour, le mont M’Goun. Il semble si lointain. Pour l’atteindre, nous devons descendre sur le plateau de Tarkedit à 2900 mètres ou nous bivouaquerons ce soir, avant d’attaquer la longue ascension vers le sommet du M’Goun qui culmine à 4071 mètres.Nous évoluons très vite dans un désert de cailloux, ici on sent que la nature est reine. Les paysages sont démesurés et l’environnement plutôt hostile à l’homme. Nous ne sommes pas grand chose au milieu de tout ça.
La montée est interminable mais sans difficulté particulière. Une fois en haut, il faut encore évoluer pendant un long moment sur les crêtes avant d’enfin atteindre le sommet. Certains longs passages en dévers nécessitent de rester vigilant. Nous avons de la chance, aujourd’hui il fait beau et le vent est quasiment nul. Hier nous étions au niveau de la mer, et moins de 24h après nous dominons l’Atlas à plus de 4000 mètres. Par manque d’acclimatation, nous craignions le mal d’altitude, mais finalement il n’en sera rien.
C’est l’heure du déjeuner, nous grignotons au sommet avant d’entamer la longue descente vers le plateau de Tarkedit ou nous attendent Ibrahim et Ali nos 2 muletiers. Il nous faudra un peu plus de 2 heures pour les rejoindre. Nous arrivons aux environs de 16h. Cette première journée ne fut pas de tout repos. Le ton est donné, nous évoluons à un bon rythme. Rédouane, notre guide a parfaitement compris ce que nous sommes venus chercher ici.
Pour notre deuxième nuit dans l’Atlas, nous avons donc planté la tente sur le plateau de Tarkedit en redescendant du mont M’Goun. Les nuits sont fraîches à 2900 mètres d’altitude, mais heureusement nous sommes prévoyants. Après quelques heures d’un sommeil réparateur, nous sommes de nouveau d’attaque pour profiter d’une belle journée au coeur de l’Atlas. Les organismes ont bien récupéré des efforts de la veille et l’envie d’en prendre encore plein les yeux est bien présente.
Du plateau de Tarkedit à Ichbaken
Le soleil se dévoile peu à peu, une lumière douce et chaude envahie le plateau et nos yeux émerveillés. Quelle chance d’être là, nous vivons des moments uniques qui resteront longtemps gravés dans nos mémoires. Nous partons vers 8 heures après un petit-déjeuner copieux. Nous traversons le plateau de Tarkedit puis grimpons quelques centaines de mètres avant d’apercevoir la fameuse vallée de Tessaout ! Encore une merveille, décidément, les superlatifs vont finir par me manquer. Un véritable oasis de verdure au milieu de ces montagnes arides et désertiques, quel contraste !
Nous entamons la longue descente et nous retrouvons au cœur de cette végétation quasiment luxuriante.Nous traversons plusieurs villages avant de faire une pause pour déjeuner à la sortie d’Amezri. L’occasion de souffler un peu car nous avons déjà parcouru une sacrée distance depuis ce matin. Combien ? Pas simple à dire tant l’appréciation des distances à la mode marocaine reste aléatoire.
Ensuite nous suivons une piste pendant environ 2 heures avant d’arriver au village d’Ichbaken ou nous dormirons ce soir. Le gîte sans eau pour la douche nous ferait presque regretter notre tente et la liberté qu’elle nous offre… Nous en profiterons tout de même pour faire une petite lessive et nous détendre un peu après une nouvelle journée passée à arpenter l’Atlas marocain.
D’Ichbaken à Taouadja
Réveil matinal au coeur de l’Atlas, il fait encore nuit noir dehors et nous entamons le petit déjeuner à la frontale. La journée s’annonce tout aussi magnifique que les précédentes. Ce voyage est un émerveillement permanent. Nous avons tout ce que nous sommes venus chercher : L’aventure sportive, les paysages somptueux, le calme des grands espaces et le plaisir de découvrir un pays et sa culture loin des fastes de Marrakech.
Nous décollons à 7 heures. Nous longeons le lit de la rivière pendant un long moment. Passant d’une rive à l’autre, nous nous offrons le luxe d’un bain de pied rafraîchissant. Un vrai bonheur. Nous quittons la rivière et rejoignons une piste qui nous mènera jusqu’à Megdaz (altitude : 1961 mètres). Ce village accroché à la montagne est le plus vieux de tout le Haut-Atlas. Il est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Nous y restons une bonne heure et en profitons pour faire la visite d’un grenier collectif. Nous sommes reçus avec la plus grande attention. Nous partageons le thé avec quelques villageois qui nous offrent un peu de pain et de l’huile d’olive. Un beau moment d’échange et de partage, malgré la barrière de la langue.
Il est temps de repartir car nous sommes attendus par Ali et Ibrahim nos muletiers pour déjeuner à Tagoukht (altitude : 2018 mètres). Après le déjeuner, nous repartons pour rejoindre notre bivouac non loin de Taoudja qui se situe à 2771 mètres d’altitude. Nous mettrons environ 2 heures pour attendre ce petit coin de paradis ou la nature nous offre un spectacle grandiose. Peu importe les kilomètres, le dénivelé ou l’allure, nous ne cherchons pas à savoir. Nous avançons, les yeux grands ouverts, nous gravons à jamais le souvenir de cette traversée dans nos mémoires.
Le soleil décline déjà, la journée est passée si vite… Après avoir montés le bivouac, comme tous les soirs en attendant le diner, le rituel du thé. Nous sommes là, seuls et silencieux, assis à la terrasse du monde qui nous entoure. Nous profitons de la lumière du soleil couchant et pensons déjà à demain.
De Taouadja à Tighza
Une nouvelle fois, le spectacle qui s’offre à nous ce matin là est tout simplement époustouflant. Les jours se suivent dans l’Atlas mais c’est avec une joie intacte que nous démarrons la journée. L’ivresse des paysages berce notre quotidien sans jamais nous lasser. Loin du brouhaha permanent de notre vie en France, nous profitons de la quiétude de cet espace vierge et sauvage et de sa douceur de vivre. Notre seule préoccupation reste d’avancer, d’aller au bout de cette aventure et surtout d’en profiter.
Une fois le bivouac démonté, nous aidons les muletiers à charger le matériel sur les mules. La journée commence par une heure de descente qui nous mettra en jambes avant d’attaquer l’ascension du col de Tamadla à 2800 mètres. Pas âme qui vive à l’horizon. Au milieu de ces éléments, nous prenons conscience que nous ne sommes finalement pas grand chose. Nous franchissons le col après une longue ascension sous un soleil radieux. La lumière est magnifique ce matin, nous en profitons pour faire quelques photos.
Nous basculons de l’autre côté et arrivons très rapidement au lac de Tamda. Nous avons déjà parcouru plus de 15 kilomètres ce matin. Le soleil se voile, le vent se lève et les nuages s’emparent du ciel pour la première fois depuis le début de notre aventure.
La première partie de la journée est terminée, nous nous arrêtons quelques instants pour nous restaurer. Il nous reste un peu plus de 15 km à parcourir pour atteindre Tighza. Une fin de journée qui s’annonce rythmée au regard du profil descendant de l’étape (-1000 mètres).Le ciel est de plus en plus menaçant. Les quelques gouttes qui commencent à tomber ne présagent rien de bon. Nous avançons à bonne allure motivés par l’idée d’échapper au déluge. Nous arriverons finalement au gîte avant la pluie. Là, nous en profiterons pour nous offrir le luxe d’une vraie douche chaude, d’un bon repas et d’une nuit de sommeil réparatrice sur un bon matelas.Il va pleuvoir une bonne partie de la nuit, nous ne sommes pas mécontents de dormir au chaud pour une fois.
Le lendemain matin, c’est toujours sous la pluie que nous prendrons le départ de l’étape du jour. Après 3heures et 15 km sous le déluge nous déciderons de stopper. Le plafond est très bas, l’orage gronde dans la montagne et nous ne voulons pas prendre de risques inutiles. C’est donc à Télouet que nous profiterons de cette journée pluvieuse. Au programme, repos et visite de la casbah en espérant que le ciel soit plus clément le lendemain. Après 1 semaine à crapahuter sur les sentiers de l’Atlas, ces quelques heures de détente sont les bienvenues.
De Telouet au plateau de Yagour
Grosse étape de prévue après la journée de repos forcé de la veille. La pluie, toujours présente à notre réveil, cesse quelques dizaines de minutes après notre départ de Telouet (1870 mètres). Le temps reste sombre et menaçant, nous avançons à bonne allure, plus par nécessité que par plaisir car nous longeons une route pendant plus de deux heures. Cette étape va être longue …
L’accalmie n’aura été que de courte durée. Le vent, la pluie et le froid nous accompagnent de nouveau. A l’heure du déjeuner, nous ferons un arrêt dans une bergerie à l’abandon afin de nous abriter. Compte tenu des conditions difficiles, nous n’avons pas beaucoup sorti l’appareil photo ! Nous franchissons le col de Tichka (2260 mètres) en milieu de journée. L’orage gronde et approche dangereusement alors que nous sommes sur un sentier en balcon surplombant la vallée. Nous arrivons à Afra (1950 mètres) en fin d’après-midi, la pluie cesse enfin et nous laisse monter le bivouac au sec. Une journée un peu galère qui il faut l’avouer ne restera pas dans les mémoires. A noter tout de même que malgré les nuages, le décors de notre hôtel à ciel ouvert semble encore une fois magnifique.
Un nouveau jour se lève sur l’Atlas, le soleil est de retour et sublime la plaine majestueuse.Nous traversons le village d’Afra puis entrons dans une jolie vallée luxuriante. Nous longeons la rivière pendant un bon moment et profiterons de l’occasion pour nous offrir un shampoing ! Nous entamerons ensuite la longue ascension vers le plateau de Yagour.
Le plateau de Yagour, zone de pâturage situé à 2200 mètres d’altitude est aussi un haut lieu de l’art rupestre. A cette époque de l’année, les bergers et leurs troupeaux prennent leurs quartiers d’été. Plus tard, ils redescendront dans les vallées avant l’arrivée des premières neiges d’automne.
Le ciel est de nouveau menaçant. Nous bivouaquons sur l’immense plateau, non loin de quelques bergeries.
Nous serons bientôt au pied du mont Toublkal, et nous commençons à envisager de la possibilité de renoncer à l’ascension si les conditions ne le permettent pas. La fin du voyage est toute proche, une certaine nostalgie s’empare de nous … Nous vivons les dernières étapes de notre périple à travers le Haut-Atlas marocain. Voilà maintenant 8 jours que nous avons quitté Agouti, et nous touchons au but ! Le jbel Toubkal, point culminant de toute l’Afrique du Nord (4167 mètres) n’est plus très loin.
Du plateau du Yagour à Timichi
Le retour du soleil fait du bien au moral. Une nouvelle fois nous assistons à un lever de soleil grandiose sur le plateau du Yagour où nous avons passé la nuit. C’est la première fois que nous apercevons le massif du Toubkal. Le mauvais temps des derniers jours laisse apparaître un peu de neige sur certains sommets.
Nous quittons le plateau du Yagour par un sentier en balcon offrant une vue à couper le souffle sur la vallée en contrebas. Le retour à la civilisation est brutal. Nous descendons dans la vallée de l’Ourika pour rejoindre la ville de Setti Fatma. Nous fuyons très vite à la vue de dizaines de cars présents sur place. Nous croisons un flot continu de touristes venus faire le plein de souvenirs ou déjeuner au bord de l’eau. La vallée est complètement défigurée par ce tourisme de masse. Nous n’avons qu’une hâte, remonter le plus vite possible sur les hauteurs et retrouver le calme qui y règne. Nous n’avons même pas eu envie de sortir l’appareil photo !
Après le déjeuner, nous prenons la route de Timichi où nous dormirons ce soir. L’étape est interminable, nous évoluons maintenant depuis plusieurs heures sur une piste poussiéreuse. La nuit commence à tomber, nous sommes vraiment fatigués. Les enchainements de montées et descentes usent le moral. La fin de l’étape se fera à la frontale. Pas de bivouac cette nuit, nous aurons le droit à une bonne douche et une nuit en gîte. De quoi nous refaire une santé avant de rejoindre Imlil.
De Timichi à Imlil avant l’ascension du Toubkal
Dernière étape de cette grande traversée de l’Atlas pour rejoindre Imlil avant peut-être d’attaquer l’ascension du djebel Toubkal. La météo fait craindre des conditions difficiles qui pourraient nous empêcher d’atteindre notre but. En attendant, nous débutons la journée par une longue ascension assez technique, 1200 D+, ça réveille juste après le petit-dejeuner.
Il n’est que 8 heures du matin, et pourtant la chaleur est déjà bien présente. Les esprits sont fatigués et c’est en silence que nous effectuons la montée jusqu’au col de Tachidirt (3200 mètres). S’en suivra une longue descente que nous dévalerons sans retenue.
Après la pause déjeuner, où nous prenons notre temps, il nous reste une dernière difficulté avant d’apercevoir Imlil, le col de Tizi n’Tamatert se dresse devant nous. Suivra une longue descente vers Imlil, que nous atteignons enfin après 9 jours de trek et plus de 330 kilomètres à travers l’Atlas. Pas le temps de s’attarder, nous faisons quelques provisions avant de rejoindre Armed où nous passerons la nuit en gîte. Après une douche et un bon repas, nous ne tarderons pas nous endormir.
Le lendemain matin, nous prenons la direction du refuge Neltner situé au pied du Toubkal à 3207 mètres d’altitude. C’est de là que nous tenterons d’atteindre le sommet la nuit prochaine. La montée est courte, nous n’avons qu’un peu plus de 1000 mètres de dénivelé à avaler pour y parvenir.
Nous arrivons en fin de matinée au refuge où nous dressons la tente en attendant la nuit. Il fait froid, le ciel se couvre, ça ne présage rien de bon. La pluie se met à tomber au milieu de l’après-midi et le vent souffle de plus en plus violemment.
La montée finale est plus qu’incertaine, pas question de prendre des risques inutiles. Nous commençons à regretter de ne pas avoir effectué l’ascension complète ce matin au départ d’Amed quitte à atteindre le sommet en pleine journée.
Le coeur n’est pas à la fête, la pluie et le vent redoublent d’intensité. C’est sans grand espoir que nous filons nous coucher après le diner. La nuit sera courte, tous nos sens sont en éveil, à l’écoute d’une accalmie qui relèverait du miracle. Nous finissons par fermer l’oeil pendant quelques heures.
Le réveil retentit à 4 heures du matin. A ce moment là, nous découvrons avec bonheur un ciel parfaitement étoilé ! L’ascension va avoir lieu ! La pluie a cessé. Après un bon petit déjeuner, lampe frontale visée sur la tête, nous entamons la montée vers le sommet du Toubkal. Il nous faudra moins d’1h45 pour atteindre la pyramide métallique sommitale à 4167 mètres d’altitude. La montée est peu technique, seuls quelques passages sont rendus difficiles par le vent qui souffle encore assez fort et la neige tombée quelques jours auparavant.
Nous arrivons à temps, l’aurore précède un magnifique lever de soleil seulement entaché de quelques nuages. Nous profitons quelques instants de ce lieu magique.
C’est la fin du voyage. Nous n’avons qu’une envie, recommencer très vite. Nous sommes tristes de devoir quitter ce pays ainsi que nos compagnons de route qui nous ont accompagnés tout au long de ce périple. Nous garderons un souvenir impérissable de ce trek au coeur du Haut-Atlas marocain et avons promis d’y revenir un jour pour en découvrir d’avantage.