Le GR 20 est l’un des treks les plus réputés en France et bien au delà. Il est d’ailleurs considéré comme le chemin de grande randonnée le plus difficile d’Europe, une réputation loin d’être usurpée. Voici le récit d’une traversée du GR20 effectuée en 7 jours. 

Le GR 20 est souvent présenté comme un objectif incontournable dans une vie de randonneur. Traverser la Corse du nord au sud, de Calenzana à Conca est un défi tenté chaque année par plusieurs milliers de marcheurs, même si la légende raconte que seulement 20% iront au bout.

Mais depuis maintenant quelques années, on voit émerger une nouvelle manière d’aborder ce fameux GR20. Fini le sac de 20 kg et l’autonomie complète, si l’objectif final reste le même, la manière elle est bien différente.

Popularisé par les exploits de Kilian Jornet, Guillaume Peretti ou François d’Haene, le GR 20 attire aujourd’hui davantage de traileurs venus se mesurer au mythe. Les meilleurs sont aujourd’hui capables de boucler les 180 km et 13 000 D+ du GR 20 en seulement 31 heures, impensable pour le commun des mortels surtout quand on connaît la difficulté technique du parcours. Pour autant, réaliser le GR20 en 3, 5 ou 7 jours s’apparente déjà à un véritable exploit pour des coureurs déjà bien entrainés.

En doublant, voire triplant les étapes du GR 20 chaque jour il est donc tout à fait envisageable de traverser la Corse en moins d’une semaine, à condition toute fois d’être suffisamment entrainé pour enchainer les efforts longs et traumatisants. Besoin de conseils pour bien préparer le GR20 ?

GR 20 en 7 jours, compte rendu étape par étape

Pas toujours évident de se rendre à Calenzana pour prendre le départ du GR20. En saison (juillet/aout), il existe une navette au départ de Calvi (se renseigner à l’office de tourisme), mais en dehors de cette période, il faut souvent faire appel au système D. Heureusement, le stop fonctionne plutôt bien et permet finalement d’atteindre le départ sans trop de difficulté.

Il est conseillé d’arriver la veille au soir à Calenzana afin de pouvoir démarrer assez tôt le lendemain matin. Niveau hébergement, l’hôtel n’est franchement pas terrible même si l’accueil y est plutôt chaleureux. Par souci d’économie, vous pouvez vous rabattre sur le gîte municipal.

Jour 1 – Calenzana -> Gîte d’Asco [25km – 3100m D+ – 2000m D-]

Une première journée qui permet de se tester et de découvrir très vite que le GR 20 est loin de ressembler à un chemin de randonnée comme on l’imagine. Une première partie roulante pour se mettre en jambe, avant d’entrer dans le vif du sujet. Les premières chaines pour aider au franchissement de quelques blocs de pierres donnent le ton, la vue sur la méditerranée est splendide.

Déjà le premier refuge est en vue (Ortu di u Piobbu), une pause de quelques minutes pour refaire les niveaux et il faut déjà repartir direction Carrozzu à travers les éboulis et les pierriers.

A ce moment on commence à comprendre ce qui fait la réputation du GR20. Les passages techniques s’enchainent, c’est parfois vertigineux, j’y laisserai d’ailleurs une paire de lunettes de soleil. Après une longue descente caillouteuse, l’omelette et le taboulé qui nous attend au refuge de Carrozzu va nous permettre d’aborder la dernière étape de la journée, regonflés à bloc.

Direction Asco sous un soleil de plomb qui a tendance à nous couper les pattes déjà bien entamées par une mise en route assez rude. Sur le papier, une montée, une descente, et on verra enfin le bout de cette première journée.

Avec la fatigue, l’envie d’arriver se fait présente, et quand enfin on aperçoit la station d’Asco en contrebas, il reste encore à appréhender la longue descente qui finira d’achever nos quadriceps endoloris.

Survivre à cette première journée dantesque permet d’appréhender la suite de l’aventure de manière plutôt sereine. 

Jour 2 – Gîte d’Asco -> Col de Vergio [27km – 2100m D+ – 2100m D-]

Après une bonne nuit réparatrice, il est temps de quitter l’hôtel non sans avoir avalé un copieux petit-déjeuner. Le cirque de la solitude fermé, c’est sur la nouvelle portion du GR20 que nous filons ce matin du côté du Cinto.

On attaque cette deuxième journée par un véritable kilomètre vertical pour atteindre le point culminant de ce GR20, la pointe des Eboulis à 2607 mètres. Heureusement l’ascension au petit matin se fait à l’ombre, on évite ainsi la surchauffe. La descente qui suit est loin d’être de tout repos, au point qu’on finirait presque par regretter la montée.

Premier arrêt de la journée au refuge de Tighjettu, quelques minutes pour faire le plein d’eau avant de reprendre le chemin en direction de Ciottulu di i Mori ou nous déjeunerons. La première partie assez roulante mène rapidement au pied du col de Bocca di Fuciale, une montée raide et technique comme souvent depuis le départ de ce GR20.

Un morceau de pain rassis et une tranche de jambon Corse feront office de repas avant d’attaquer la descente vers le col de Vergio où nous prévoyons d’arriver en fin d’après midi.

Sans courir, nous avançons tout de même à bonne allure, ce qui n’était pas vraiment le cas depuis le départ de Calenzana. Pour la première fois, nous avons l’impression d’évoluer sur un sentier, et non plus sur une montagne de cailloux tous plus gros les uns que les autres.

Jour 3 – Col de Vergio -> Petra Piana [26km – 1600m D+ – 1200m D-]

Les automatismes semblent se mettre en place, le corps commence à s’habituer à l’effort répété, et marcher devient une seconde nature. Une nouvelle fois la journée s’annonce longue mais l’enchainement des difficultés sur les deux premiers jours nous a permis d’emmagasiner de la confiance.

Ce matin nous évoluons rapidement dans un décor de carte postale en longeant le lac de Nino tant de fois utilisé pour illustrer la Corse et le GR20. En souriant on se dit quand même que la photo n’est franchement pas représentative de ce qu’on vient de traverser. On profite de ce moment de répit en sachant très bien que ça ne va pas durer.

Le refuge de Manganu est en vue mais il nous faudra encore parcourir plus de 2 kilomètres pour l’atteindre. C’est l’heure de la pause repas avant de repartir pour la deuxième étape de la journée qui nous mènera au refuge de Petra Piana en franchissant la brèche de Capitello.

La montée se fait à bon rythme, droit dans la pente, ou presque. Une fois basculé de l’autre côté, le ciel se couvre rapidement. Il ne fait pas bon trainer dans le coin, à moins de vouloir finir sous l’orage. Nous pressons le pas et passerons finalement entre les gouttes. La vue sur les lacs de Capitello et de Melo en contre-bas est assez impressionnante.

La portion est technique et demande la plus grande attention. D’ailleurs nous assistons en direct à un hélitreuillage qui n’annonce rien de bon. La fin de l’étape est longue, la tête dans les nuages, le paysage est assez limité. Heureusement, une fois au refuge, nous profiterons d’un magnifique coucher de soleil.

Jour 4 – Petra Piana -> Vizzavona [21km – 1100m D+ – 2000m D-]

La nuit en refuge est forcement plus rudimentaire qu’à l’hôtel. Après un bon plat de pates préparé par nos soins, nous filons au lit, emmitouflés dans nos draps de soie. Nous avions peur d’avoir froid, mais c’était sans compter sur la chaleur humaine qui réchauffe la petite pièce où dorment une douzaine de personnes. Un petit conseil tout de même, n’oubliez pas les boules quies !

Départ aux aurores ce matin avec en point de mire le col de Vizzavona que nous devrions atteindre dans l’après midi et qui marquera la fin de la partie nord du GR20. De nombreux randonneurs que nous croisons sur notre chemin déciderons finalement de s’arrêter là.

Au départ de Petra Piana, beaucoup prennent la variante qui permet de raccourcir l’étape et de gommer quelques centaines de mètres de dénivelé. Pour nous ce sera l’étape classique, sans grand intérêt mais qui permet de marcher à bon rythme.

Arrivés au refuge d’Onda, nous prenons enfin un petit déjeuner bien mérité avant d’attaquer le gros morceau de la journée qui permet de rejoindre l’arrête de la Punta Muratellu avant de basculer vers Vizzavona.

Nous profitons de nous rafraichir dans les vasques qui bordent le sentier et arrivons finalement à bon port peu après 13 heures. Une après-midi de repos que nous accueillons avec plaisir et qui marque la fin du GR20 nord.

Jour 5 – Vizzavona -> Col de Verde [27km – 1400m D+ – 1000m D-]

Depuis le départ du GR20, on nous décrit la partie nord comme la réplique exacte du Mordor alors que le sud lui aurait pu servir de cadre au tournage d’un énième épisode de la Petite Maison dans la Prairie. Cette première étape sudiste est effectivement bien plus roulante que les précédentes, on se prend même à rêver de courir, mais non, il faut savoir raison garder.

Un coca à Capannelle et on attaque déjà la deuxième étape de la journée. La moyenne horaire n’a jamais été aussi élevée. A ce moment là, on commence à penser qu’on ira jusqu’au bout. Quand tu as survécu au GR20 nord, plus rien ne peut t’arrêter, à moins d’une blessure, qui elle ne prévient jamais.

La portion qui mène jusqu’au col de Verde n’a pas marqué les esprits, et la déception sera grande à l’arrivée de se rendre compte que c’est un dortoir collectif qui nous attend et non pas un hôtel comme nous l’avions imaginé. Si on avait su, on aurait peut-être poussé jusqu’au refuge de Prati, histoire de profiter de la vue.

Jour 6 – Col de Verde -> Bergerie de Croci [30km – 2000m D+ – 1700m D-]

La montée au refuge de Prati à la fraiche n’est qu’une formalité, le choix de dormir à Verde n’était peut-être pas une si mauvaise idée finalement.

Cette avant dernière journée semblait assez roulante sur le papier, elle sera finalement plutôt usante. Le balisage hésite pendant des heures, alternant les passages d’un côté ou de l’autre de la crête. Heureusement, la vue est superbe, on aperçoit déjà les aiguilles de Bavella au loin.

Déjeuner au refuge d’Usciolu où nous achetons deux ou trois bricoles à l’épicerie. Nous suivons le balisage mis en place et passerons par Matalza, le parcours est très roulant et permet d’avaler cette étape sans grand intérêt assez rapidement. Nous profiterons d’un passage à gué pour nous baigner au plus fort de l’après-midi.

Après Matalza, il nous reste encore 40 minutes de marche pour rejoindre la bergerie de Croci dont nous n’avons entendu que du bien depuis notre départ. Nous salivons à l’avance de pouvoir déguster une bonne assiette de lasagnes le soir venu.

L’accueil y est chaleureux, ce qui n’est pas toujours le cas dans certains refuges de GR20, nous profitons de cette dernière soirée dans la montagne Corse avant de filer vers l’arrivée à Conca le lendemain.

Jour 7 – Bergerie de Croci -> Conca [36km – 1700m D+ – 3000m D-]

Aujourd’hui c’est décidé, nous jetterons nos dernières forces dans la bataille. Galvanisés par l’idée d’en finir avec le GR 20, c’est à pas de géant que nous prenons le chemin du refuge d’Asinau.

Prochaine étape Bavella par le tracé classique qui suit plus ou moins les courbes de niveau. Les kilomètres défilent avant d’attaquer la montée vers le col. De là, nous aurons la possibilité de repartir sans nos sacs, pour finir le GR 20 sur un mode ultraléger et sportif.

En trottinant il nous faudra environ 40 minutes pour atteindre le refuge de Paliri, qui marque le début de la seizième et dernière étape de ce GR 20. En descendant vers Conca, nous subissons la chaleur comme jamais depuis le départ. Nous croisons de nombreux randonneurs qui débutent leur aventure vers le nord. Ils n’imaginent certainement pas l’ampleur de ce qui les attend plus loin. Nous doublons également pas mal de marcheurs qui comme nous en terminent avec le GR 20.

Malgré la fatigue, nous profitions de ces derniers instants privilégiés et prenons doucement conscience de ce que nous venons d’accomplir. Ce GR 20 qui me faisait tant rêver depuis que je suis gamin est enfin devenu réalité. La fierté et l’émotion m’envahissent durant les derniers kilomètres. Je savoure ce moment en me remémorant

chaque passage marquant de cette traversée. Je pense aussi à demain, qui va me sembler bien vide loin des sentiers de l’île de beauté.